Dégustation d’entrave

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Entre Europe et Amérique, Élisa Gaudreau est un 
peu le caribou qui emballe le chocolat aux notes de 
sirop d’érable dans du papier d’alu. Après une 
longue enfance en Suisse, elle est venue se perdre dans les 
livres du baccalauréat en études littéraires à Québec. 
À ses risques et périls.


Quatre ans mon premier clown terrifiant on me demande « qu’est-ce que tu veux faire plus tard? » et j’invente pour faire plaisir vétérinaire maîtresse d’école actrice écrivaine j’écris un livre parfois en vacances la nuit avec ma cousine et on m’en lance des « oooh que c’est mignon » sans avoir écouté mon ambition ridicule les fait sourire ils m’offrent des cadeaux que je ne veux pas je ne les connais pas ils me regardent avec leurs grands yeux de grand méchant loup et « je ne vais pas te manger » si tu as le malheur d’être réservée, réservée c’est bien mieux que timide c’est un mot qu’on choisit pour dire timide sans le dire parce qu’on sait que timide c’est mal très mal dans la vie il faut parler, parler, parler, dis le plus de conneries en un temps record et tu seras la reine de ta promo le travailleur de l’année si tu sais humilier en te fendant la poire tu deviendras peut être même patron à la place du patron la plus belle des pelouses et un chien un carlin parce que c’est à la mode. Fini le labrador familial ce que tu veux c’est un carlin qui ronfle plus fort que toi et qui est plus laid que toi laissez-moi être la plus belle pour aller danser que je danse plus que les autres que je boive plus que les autres que je baise plus que les autres que je sois la plus in que j’aie le plus de garçons in je profite du célibat être en couple c’est mignon le mignon c’est pas humain c’est carlin les carlins seront bientôt out et les couples ça se marie à la mairie sans Marie parce que Dieu est un égoïste et qu’à la messe je ne sais plus si j’ose croquer l’hostie si si je le fais j’offense Dieu mais ma salive envahit ma bouche et le Diable me somme de la mordre je panique mais je suis une conformiste un mouton un nazi sous Hitler ou sous Dieu alors j’imite je me retiens je la laisse me griffer sous la langue découpage industriel c’était mieux avant! la bonne du curé qui chassait les petits servants vers et sous le curé qui est in c’était mieux avant parce qu’on se la fermait sur toutes ces conneries et qu’on savait oublier. 
__ Répugnant répugnée par cet air nauséabond qui lequel danse la vie danse la mort entre mon berceau et mon cercueil je cherche la porte de sortie mon issue de secours pour dire « non » sans le dire la société n’aimerait pas, non, « non », elle bloque les sorties les placarde d’avertissements de quarantaine c’est pour les fous les cons les malades les sales ceux que l’on cache et que l’on crache et qui ne ressortent pas qui ne s’expriment que par les textes et les dessins que dans leur tête et dans leur chambre ceux qui se taisent que l’on fait taire parce que les fous les cons les malades les sales sont des taches brunes sur la toile blanche de l’Occident on les nettoie comme on nettoie des graffitis la peinture est la clé de la porte de secours et je n’y ai pas droit trop intégrée dans la société trop acceptée trop souriante trop tolérante trop mouton et nazi trop travailleuse trop patronne trop vieux labrador ou jeune carlin mais j’aboie en silence à m’en déchirer la gorge j’aboie pour qu’on me sorte pour mes besoins pour ma liberté. J’aboie et on me met une muselière on m’enferme dans la niche on est celui qui garde les clés loin de son chien loin de ses chiens loin de son chenil de son terrain de son pays et de son peuple.

Unknown

Suis-nous partout

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