gratte tes cennes

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William Lessard-Morin
est conseiller pédagogique et enseignant
de littérature au Cégep de Baie-Comeau.
Il a étudié en littérature à l'Université Laval
jusqu'en 2013. En avril 2015, il a publié
un premier livre, Ici la chair est partout,
aux éditions La Mèche.


moi je te regardais t’épandre en généralités gratter tes cennes mais jamais la guitare que t’avais laissée là accrochée harponnée au gyprock comme une fierté mal exposée comme chaque tête de chaque orignal juchée sur les capots des pick-up trucks comme des milliers de phares se crachant constamment au visage la médiocrité de l’homme qui engouffre tout l’espoir tout l’idéal auquel tu aspirais avant que tes os rompent aux coups bien placés de la femme plus forte que toi de la femme mère qui ne cherchait pas à se retrouver dans son ombre comme toi tu le faisais toi homme malaimé et truffé d’un double que tu as toujours chassé d’une revers du pied pour ne jamais accorder la sécurité convoitée par lui alors que tu la souhaites pour toi-même la recherches en elle sans ne rien trouver que ces élans ces allers et retours entre les spasmes amoureux et la froidure scissure au milieu de vos mondes envahissant de plus en plus le tien parce que tu n’as jamais appris à te battre désemparé au milieu des blessures qui ont fait germé l’amer qui ont fait grandir l’impuissance malgré le bris et l’éloignement malgré nos gardes départagées malgré le besoin pressant de pourvoir au manque comblé pour effacer l'absence pour oublier les salles d’attentes les entretiens menant aux portes de choix au poste bien choyé sans compter les congés payés les retraites financées les conventions collectives renégociés et le chèque trop gros trop vaste le chèque comme un clash entre deux versions de toi deux visions opposées l’une bâtie sur un point d’interrogation l’autre bien sertie d’estimations de banques de raisons en réfutations en justifications de tes choix même impensables du déclin du jeune penseur de la montée de l’homme acerbe aux yeux qui s’ouvrent aux deux jeudis comme si devant un mirage un miracle pourtant ravalé remâché recraché soigneusement investi pour pouvoir t’imaginer te laisser couler en liquidités et baigner dans le fiel immaculé de tes reer taies d’oreillers pis du dieu mielleux auquel t'as goûté celui qui te dit que tu peux être heureux loin des oui mais et des malgré toujours trop bien exploités par ceux qui n’ont pas quant à eux su s’élever à ta hauteur à ceux qui préfèrent garder les yeux ouverts en signe de lucidité alors tu as bu tous les prophètes qui ont embaumé ton cœur de malaimé ton cœur de père désadapté aux rôles qu’il n’a jamais su choisir ton cœur d’homme à la vie vécue dans la peur du vide comme si de ton corps adjacent tu n’avais jamais su faire partie comme si tu ressentais chaque prélèvement sur le salaire comme un coup de poing à ton égo déjà à terre ta litanie de pension alimentaire et rien d’autre sinon l’absence revisitée deux fois par mois vingt-six fois par année pendant dix-neuf ans maintenant en attendant que j’adhère à mon tour à ta belle réalité de trente-six versements égaux de ristournes bien tombées pour payer la saison de trente-six trous sur le bord de recommencer à sucer tout ton temps libre toutes tes minutes de vie prépayée tous tes gestes prédéterminés et quand tu refais surface au bout du fil jamais au bon moment mais tout de même tu te plains systématiquement de mon aversion des premiers pas de mon dédain d'adolescent pour la femme tiers-mondiale commandée sur un site de rencontre alors qu’on t’avais laissé pour compte face à toi-même face à ton double trop pesant même si des deux c’est toujours toi qui arrives au premier rang c'est toujours toi qui gagne au jeu que tu joues tout seul pis dans le fond je me demande bien ce que tu veux de moi c'est quoi ma place dans ton gameplan de vie calculée au jour près de vie évidée de tout travers indésirable pis dans le fond je sers à quoi moi papa à part à te priver d'une parcelle de tes petites piastres bien empilées à part t'aider à croire que l'existence a un sens à part faire semblant d'y croire pis j'm'en sors comment

Unknown

Suis-nous partout

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